Par Ici Les Sorties : les sorties album du 19 mai 2017
Aldous Harding – Party
On ne peut avoir oublié Aldous Harding qui en 2014 sortait son 1er album éponyme reconnaissable à sa pochette à l’étrangeté saisissante : la jeune chanteuse de 25 ans nous regarde, un peu paumée, certainement hantée, casquette vissée sur la tête. Déjà la pochette nous attire, l’album ensuite nous happe. Littéralement.
Aldous Harding n’est pas une simple chanteuse folk de plus. Elle réussit à atteindre l’équilibre entre la fragilité, la pureté et la maîtrise pleine d’énergie. Sa voix fluette, ensorcelante, changeant de tessiture, joue avec son accent néo-zélandais selon les morceaux, souffle désarmant dont il est impossible de donner d’âge ou d’époque. Le désespoir de certaines chansons du premier album met en valeur une musique profondément affectée par ses tourments de l’époque dont la chanteuse se dit désormais libérée.
Et en effet, c’est un virage, ou une prise de hauteur, que semble avoir opéré Aldous Harding avec son 2ème album Party, produit par John Parish. Avec Imagining My Man, l’un des singles de ce nouvel opus, elle semble embrasser un nouveau rôle en tant que chanteuse, comme elle le théâtralise de façon un peu moqueuse dans son clip : glamour en robe noire, se promenant en voiture, seule sur le siège arrière, prenant nonchalamment une collation, elle apparait très éloignée de la jeune fille à casquette. Perfume Genius collabore sur ce morceau (choeur) donnant à la chanson son style confessionnel singulier. La voix de la chanteuse est encore plus surprenante. Elle peut passer d’un hurlement puissant et expressif à un chant crooné et détaché en quelques secondes, le tout mâtiné d’embellissements ludiques comme des « hey » aigus. La chanson se termine par un solo de saxophones chaleureux qui nous tire de notre perplexité. L’autre extrait de l’album, Horizon signe également le passage à un monde différent : ce qui était autrefois introverti est désormais expressionniste et expansif, voire révolté au point de faire chevroter étrangement sa si belle voix. Là encore la Néo-Zélandaise se met en scène : vêtue de noir, accompagnée par une autre femme en blanc (sa propre mère) elle incarne le mythe d’un guerrier gorgé d’eau.
[Electronique/Nu-Soul]Nick Hakim – Green Twins
Parmi les sorties album du 19 mai 2017, le premier album du chanteur-compositeur-interprète Nick Hakim suit le très acclamé EP Where We Will Go sorti sur son propre label Earseed Records en 2014, composé de morceaux intimistes et soul, sa voix puissante dégage un lyrisme émotionnel profond et une capacité à évoquer une certaine intimité.
Cet album, paru sur ATO Records, s’appuie sur l’intensité douce de cette première expérience mais l’univers y est plus singulier et luxuriant. Ce qui surprend aussitôt est le jeu avec la distance qu’il nous propose : cette fameuse voix semble provenir de loin, comme si on l’entendait d’une autre pièce, derrière des vibrations psychédéliques et des effets sonores étranges. Sentiment de flottement, de plongée dans un espace cotonneux.
Le single Bet She Looks Like You est une balade d’amour, une balade enfumée : les volutes lentes de cette déclaration, chantée dans le désespoir, finissent par intoxiquer les sens savamment. Roller Skate représente un éclat de couleur groovy que vient renforcer la vidéo animée, petit bijou de l’animateur Micah Buzan. C’est l’histoire de personnages solitaires qui désirent tous quelque chose qu’ils n’ont pas, l’amour, une peluche ou la possibilité de bien patiner. L’avatar de l’artiste dans la vidéo se déplace et incite les personnages, et nous même, à entrer dans son monde lumineux. Les riffs de guitares et les percussions soulignent cette légèreté, cette glisse. La voix soul du chanteur est recouverte par les réverbérations rendant la chanson rêveuse et planante. Certains pourront regretter que la voix de Nick Hakim n’est ainsi pas mise en valeur. Pour ma part, les versions acoustiques ont également ma préférence car nous retrouvons avec délice cette voix ouatée à la force technique impressionnante.
[Jazz]Youn Sun Nah – She Moves On
Également dans les sorties album du 19 mai 2017, le 9ème album de la chanteuse de Youn Sun Nah, She Moves On. Emprunté à Paul Simon, ce titre indique la détermination qu’a la sud coréenne à faire face à son destin comme lorsqu’en 1995 elle décide d’étudier le Jazz à Paris.
Comme à l’accoutumé Youn Soun Nah aime mélanger ses propres compositions avec des reprises. Elle s’attaque dans cet opus à des montagnes quasiment infranchissables tels que Jimi Hendrix, Joni Mitchell ou encore Johnny Mercer (Monsieur Moon River). A l’écoute de la version blues d’un titre de Lou Reed, Teach The Gifted Children qu’elle délivre avec la complicité du guitariste Marc Ribot, il n’y a pas de crainte à avoir sur la réussite de ce défi. Mais on est plutôt curieux de savoir comment elle va se réapproprier ces morceaux. Grâce à sa curiosité et son esprit créatif, elle a prouvé par le passé qu’elle savait tout chanter (et dans différentes langues (anglais, français, coréen..)) : jazz, folk, pop, chanson française jusqu’à sa célèbre reprise du Enter Sandman de Metallica. Tout cela afin de nous transmettre un large éventail d’émotions.
[Reggae]Yaniss Odua – Nouvelle Donne
Attendu impatiemment par les amateurs de reggae, le dernier album de Yanis Odua est une œuvre brillante réunissant musiciens talentueux, présence vocale unique et thèmes forts. Opus lumineux et fier à l’image de cet artiste martiniquais au sommet de son art. Produit par Clive Hunt, le dernier des grands musiciens jamaïcains, il a été enregistré à Kingston, et est mâtiné de retouches digitales réalisée en France pour lui donner une tonalité urbaine.
Pour patienter, nous avons pu découvrir un clip sur l’irrésistible titre ska La Maison Ne Fait Plus Crédit. Et surtout le single Écoutez Nous est un échange de mots avec la rappeuse et altermondialiste marseillaise Keny Arkana sur les maux de la société, splendide mélange de reggae et hip hop. Dans la bouche, du miel et des lames de rasoirs militantes pour dire non au système, non à la répression et à l’injustice. Brian Gold apporte sa voix cuivrée à Feeling, plus mélodique mais tout aussi puissant. Autre thème cher à Yaniss Odua, celui de l’immigration, avec le titre Refugee dans lequel il nous raconte l’exil d’un migrant qui a tout perdu et qui tente sa chance de l’autre côté du monde après avoir « traversé les terres, le désert et le mers ».
Yaniss Odua a réussi à moderniser le reggae tout en respectant les codes du reggae roots et dancehall et à nous offrir une musique militante et harmonieuse.