Par ici les sorties musique : Mai 2019
Sorties musique mai 2019
Le dicton du mois : en mai, écoute ce qu’il te plaît. Mais pas Isabelle le boulet. Commence par la sélection de Flabbergastmusic.
Jamila Woods – Legacy! Legacy! – 10 mai 2019 [Jagjaguwar]
Legacy! Legacy! Avec ce second album Jamila Woods se penche sur l’héritage musical et socio-culturel légué par les grands artistes américains. Les musiciens Miles Davis et Sun-Ra, les peintres Jean-Michel Basquiat et Frida Kahlo, l’écrivain James Baldwin, la poète Nikki Giovanni. Toutes ses personnalités ont hautement contribuer à l’émancipation de la femme, de la fierté noire par leur combat, leur révolte, leur créativité, leur message.
Ainsi avec Giovanni il s’agit de développer l’idée de l’affirmation de soi, de refuser qu’on lui impose des standards qui enfreigne son développement personnel, minimise son rôle de femme. Repoussant toute tentative d’autrui de lui dicter ce quelle doit être et ce qu’elle doit penser :
A hundred motherfuckers can’t tell me
How I’m supposed to look when I’m angry
How I’m supposed to shrink when you’re around me
Permission denied to rearrange me
I am the Kingdom, I am not your Queen
Hotep better step from up around me
I am not your rib, I am not your Eve
C’est le Ego-trip, poème de Nikki Giovanni, auquel fait référence Jamila Woods, terme dont il est difficile de trouver un équivalent en français mais que l’on peut résumer dans l’idée de se mettre en avant non pas pour paraître prétentieux mais pour stimuler l’estime de soi, pour se construire une carapace capable de résister au jugement de l’autre. Concept qu’affectionne les rappeurs qu’ils l’ont érigé en science.
C’est le Who gonna share my love for me with me qui résonne comme le ‘cuz If I don’t say I’m the best, tell me who the hell will? qui figure sur le titre Wordplay de A Tribe Called Quest. Il se traduit dans Eartha, en référence à Eartha Kitt, figure rebelle à la féminité singulière, par le rejet de tout compromis, d’une lassitude du comportement des hommes envers les femmes.
A l’arrogance des hommes qui s’arroge le droit de disposer des femmes, la chanteuse répond par une désinvolture et une détermination inébranlable. Jusqu’à donner tout son sens au verbe discombobulate (qu’elle écourte en Discombob’) sur Zora (pour Zora Neale Hurston l’écrivaine), décontenancer en français. Chambouler les idées toutes faites, bouleverser les codes préétablis c’est le leitmotiv de l’artiste.
Sous des allures de Nu-Soul bien inspirés et propret, Legacy! Legacy! s’avère être un brûlot féministe, engagé et bourré de références et de textes capables de fédérer tout un peuple à sa cause.
Soyouzz – Ginger Ale – 10 mai 2019 [Autoproduction]
Le décollage de la fusée Soyouzz (avec deux Z comme dans Jazz dont le groupe tire quelques éléments : les progressions harmoniques, l’improvisation…) est imminent. L’équipage mené par le capitaine de bord Charles-Eric Moreau est au complet. Après avoir subi un entrainement et une batterie de tests hyper poussés (une vingtaine de concerts dans la région Occitanie), les 6 membres ((Eric Thiercy (Trompette), Damien Banciotto (Guitare), Sebastien Germain (Clavier), Lionel Puyal (Basse), Thomas Huet (Batterie)) sont en partance pour la galaxie funk explorée avant eux par Parliament et leur Mothership Connection. Leur premier EP, Ginger Ale, est dans le bac le 10 mai 2019.
Le groupe explore de nouveaux horizons avec par exemple l’utilisation de pédale d’effet avec le saxophone (sur le titre éponyme Ginger Ale), qui amène des sonorités inédites au service d’un funk stratosphérique. Des claviers hancockiens de Soul To Sole jusqu’aux cuivres très Tower Of Power sur Busty Woman en passant par la rythmique entrainante de Mission Air (qui fait penser à celle de Andy des Rita Mitsouko), ce premier EP du groupe montpelliérain est une invitation au groove intergalactique qu’on ne peut refuser.
Linda May Han Oh – Adventurine – 17 mai 2019 [Biophilia]
L’adventurine est une variété de quartz qui se présente le plus fréquemment sous la couleur verte. Les Tibétains croyaient qu’elle pouvait guérir la myopie. Elle symbolisait pour les Celtes la connaissance spirituelle tandis que pour les chinois elle était une pierre impériale. Elle a la réputation d’être une pierre douce et bénéfique qui absorbe les ondes négatives et les émanations nocives de toutes sortes. Elle donne de l’énergie, éclaircit les idées. C’est une pierre de paix et d’équilibre.
Toutes ses propriétés peuvent pleinement s’appliquer à la musique de la bassiste/compositrice Linday May Han Oh qui a choisi d’intituler son nouvel album Adventurine en référence à cette pierre.
La conception des éléments constitutifs de cet album ont pour certains mûri pendant de longues années depuis son passage à la Manhattan School of Music où elle a débuté son apprentissage de la composition et de l’orchestration. Preuve du perfectionnisme de la musicienne, les titres ont constamment été arrangés, modifiés jusqu’à qu’ils soient à l’aise dans leur propre peau selon ses termes.
Ce travail méticuleux donne des morceaux vivant à la structure calibrée à l’exemple du titre éponyme : les cordes nous attirent de manière insidieuse dans l’orée de la forêt, puis nous font frémir comme si tout d’un coup une nuée d’étourneaux venaient nous surprendre dans notre promenade. C’est alors que la contrebasse Linda May Han Ho invite saxophone, batterie, violons et piano à s’exprimer avec véhémence mais brièvement avant de nous conduire, d’une note répétée et suspendue, vers un épilogue chimérique.
Freddie Joachim – Beyond The Sea Of Trees – 24 mai [Jakarta]
Celui qui s’est fait connaître en produisant le titre Waves du jeune rappeur Joey B4da$$ et qui a construit sa réputation dans le milieu Hip Hop en fournissant des beats pour des rappeurs plus underground (LMNO, Kev Brown, Blu…) revient avec Beyond The Sea Of Trees sur Jakarta Records.
Ce qui a de plus incroyable avec Freddie Joachim c’est la profusion de styles, de couleurs tout en réussissant à apporter sa patte reconnaissable, une touche personnelle semblable à aucun autre beatmaker. Avec cette occupation particulière de l’espace sonore pour transmettre une humeur, une atmosphère d’une expressivité qui emporte l’auditeur vers des contrées méditatives régénérantes et relaxantes. Pas étonnant que sa musique soit utilisé par des grandes marques pour illustrer leurs publicités.
Avec le premier extrait Backyards, par le piano gazouillant et le vibraphone ruisselant, le producteur nous transpose au milieu d’une forêt peuplée d’immenses sequoias aux aiguilles perlées par la rosée du matin, d’écureuils se faufilant dans des écureuilloducs pour ainsi échapper à leurs prédateurs, de daims effarouchés se désaltérant au bord d’une rivière légèrement gelée.
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Faye Webster – Atlanta Millionnaires Club – 24 mai [Secretly Canadian]
Un peu comme Nathalie Prass, Faye Webster propose une pop fortement influencée r’n’b notamment sur Kingston, celle d’Aaliyah avec une utilisation de la pedal-steel guitare décalée. Elle joue ainsi, dans le clip de Room Temperature sur les clichés de la musique hawaïenne liés à ce son de guitare. Son nouvel album, Atlanta Millionnaires Club, sort le 24 mai sur le label Secretly Canadian.
C’est avec humour et auto-dérision que la chanteuse traite de sa solitude. Dans Room Temperature, elle confie que d’une année sur l’autre elle fréquente les mêmes lieux, portent les mêmes vêtements. Preuve qu’il ne passe pas grand chose dans sa vie et que sans aucun contact humain elle perd l’envie de prendre soin d’elle :
I was sitting here last year, the same time ago
Still wearing the same thing, these aren’t even my clothes
I’ve just don’t change that much ’cause who’s to impress?
There’s nobody around when I’m at my best
Elle exprime clairement sa façon un peu gauche de se comporter face à son béguin, un peu comme dans une saynète de Charlie Chaplin (It’s the thought of you that slightly scare me / But it takes my breath away, forget what I was gonna say – Kingston ou encore You looked back at me once /But I looked back two times – Right Side Of My Neck)
Avec sa voix délicate et menue Faye Webster est dotée d’une personnalité singulière et attachante. C’est déjà son troisième album alors qu’elle n’a que 21 ans, sa musique satinée est comme un coussin sur laquelle on pose confortablement ses oreilles.
Encore soif de nouveautés?
Voici d’autres sorties notables (cliquez sur l’image pour être diriger vers les plateformes d’écoute ou d’achat) :
Big Thief – U.F.O.F (3 mai)
Datkid & Leafdog – Confessions Of A Crud Lord (17 mai)
The National – I’m Easy To Find (17 mai)