PILS : Par Ici Les Sorties – Vendredi 20 Octobre 2017
Le 20 octobre 2017 est un jour particulier pour Flabbergastmusic puisqu’il marque la sortie concomitante d’albums de plusieurs artistes que l’on suit de très près et qui seront de sérieux prétendants au top 2017.
20 octobre 2017 – Nai Palm – Needle Paw
Choose Your Weapon du groupe australien Hiatus Kaiyote a été élu ici meilleur album de 2015 pour sa créativité, sa densité, la qualité des transitions et des interludes, l’incitation à la communion avec la nature et pour la voix de Nai Palm.
Nai Palm a des piercings dans le nez, des tatouages sur les bras, elle trace au crayon noir un trait qui va de la bouche jusqu’à l’oreille, se promène avec un oiseau sur l’épaule qu’elle a dénommé Charlie Parker. Il faut en conclure 1 – qu’elle est habitée 2 – qu’elle est loin du star système alors même que Hiatus Kaiyote est 1 – adulé par ses pairs (Questlove, Prince, Erykah Badu) 2 – samplé par des grands noms type Kendrick Lamar ou Drake. Mais ne vous fiez pas à son look improbable : c’est la plus belle voix soul de sa génération.
Une Donny Hathaway au féminin (avec la même façon de faire durer la dernière syllabe) qui sort, ce 20 octobre 2017, son premier album solo, Needle Paw. Il contient des réinterprétations de certains titres de Hiatus Kaiyote pour lesquels la musicienne souhaitait se détacher des versions composées avec ses comparses, denses, riches pour proposer des alternatives plus dépouillées et personnelles permettant ainsi la mise en valeur de sa voix phénoménale. Sur la reprise du Electric Ladyland de Jimi Hendrix, elle fait oublier la technique pure du guitariste pour faire ressortir toute la mélancolie du titre. Chantée et jouée par une femme cette ode à la féminité prend une nouvelle dimension.
Parmi les six nouvelles compositions, Homebody (inclus dans la playlist Divines Divas 2) résume le mieux l’esprit de l’album : Nai Pal et sa guitare, un son à l’état brut et les frissons qui nous parcourent le corps lorsqu’elle commence à chanter. Elle a rarement l’habitude d’évoquer les relations amoureuses puisqu’elle estimait que ce thème était éculé. Elle s’y risque dans ce Cross fire/So into you ci-dessous.
Bonne nouvelle ! Elle sera en concert à Paris le 8 novembre au Flow.
Degiheugi – Bagatelle
Le temps est bon lorsqu’on écoute les galettes (en mangeant des galettes saucisses?) de Jérôme Vildaer aka Degiheugi, natif de Saint-Malo. Oui son titre qu’il l’a fait connaître est Le temps est bon grâce au refrain emprunté à Isabelle Pierre qu’il a habilement dépoussiéré. C’est une de ses marques de fabrique : remettre au goût du jour des trésors oubliés de la chanson francophone. Sur son album précédent avec Qu’attendez-vous de moi? c’est la chanteuse Dany Gurdall qui est repris tandis que sur Un jour comme un autre c’est le tour de Brigitte Bardot. Grâce à un remarquable travail de découpage, il nous invite ainsi à un voyage temporelle, en rapportant du passé de la France des années 60/70 un côté nostalgique et mélancolique à ses instrumentaux.
Le beatmaker est classé dans cette catégorie Abstract Hip Hop mais c’est une notion trop réductrice et trop étriquée par rapport à la palette de nuances que nous offre le breton. Samples de breaks et rappeurs invités, certes les influences Hip Hop sont bien présentes mais ce qu’il crée va au-delà. Sa musique instrumentale est imagée à la manière des compositions de François De Roubaix. Elle est imprégnée des autres cultures, il aime par exemple puiser son inspiration dans des sons exotiques d’Asie, en l’occurrence d’Inde pour Kolkata (track 10 de Endless Smile) et ce qui sample, je veux dire semble, être une chanson cambodgienne ou thaïlandaise sur Kingdom (ci-dessous). Ce titre est un melting pot fabuleux entre les sonorités asiatiques, les beat et scratches Hip Hop et le phrasé reggae de Devi Green.
Bagatelle, son septième album, sort ce 20 octobre 2017 sur le propre label de Degiheugi, Endless Smile Records,.
Ikebe Shakedown – The Way Home
Avec un tel groupe l’on se doit de faire honneur aux 7 musiciens qui le composent car chaque instrument apporte sa pierre à l’édifice : Nadav Nirenberg au trombone, Jason Colby à la trompette, Mike Buckley au saxophone, Robin Schmidt à la guitare, Vince Charito à la basse, Barnaby Alter et Dave Bouria aux percussions.
Ils sont originaires de Brooklyn mais leur musique est un condensé d’influence funk, afrofunk, afro-beat, soul. Pour les amateurs du son de Daptone Records la filiation avec ce label est logique puisque certains membres du groupe ont joué avec la regrettée Sharon Jones.
Comme le premier extrait, Supermoon, leur troisième album The Way Home, qui sort ce 20 octobre 2017 chez Colemine Records, se veut comme un hommage à New York dans toute sa complexité, son cosmopolitisme. Ils déclarent pour ce titre vouloir exprimer toute l’énergie et l’excitation qu’ils ressentent lorsqu’ils traversent la ville. Du premier son de reverb jusqu’au dernier coup de baguette, ils ont voulu donner un air de mystère à Supermoon à l’image de cette ville où tout est possible à n’importe quelle heure du jour ou de la nuit.
Ikebe Shakedown est à l’origine d’un son qui pulse, où chaque élément distille un groove irrésistible qui prend possession de votre corps du bout des orteils jusqu’à la pointe des cheveux. La section de cuivre, la section rythmique et les percussions prennent vie ensemble.
Elida Almeida – Kebrada
Elida Almeida a 24 ans, elle est née dans le petit village de Kebrada dans l’île de Santiago, une des 10 îles qui composent l’archipel de la République du Cap-Vert. Elle a grandi auprès de ses grands-parents dans cet endroit « sans routes, sans électricité » où seule la radio assure le lien vers l’extérieur. A 14 ans, elle déménage sur l’île de Maio sur laquelle elle va aider sa mère à vendre des fruits et légumes sur le marché de Vila do Maio. L’animation d’un programme radiophonique et le travail de sa voix à travers des chants d’église vont l’amener à quitter le monde rural pour embrasser la carrière d’artiste. Carrière propulsée par la rencontre avec José Da Silva, créateur du label Lusafrica.
L’album Kebrada, dans les bacs ce 20 octobre 2017, nous offre une belle palette de rythmes preuve que la chanteuse revendique son identité africaine : la tabanka de Bersu d’Oru, le funanà (Grogu Kaba), la coladera (Djam Odja), le batuque (N’Kreu).
La cap-verdienne nous gratifie de belles balades au contenu grave. Kontam dans lequel Elida Almeida incarne une femme battue, sa voix est chargée d’émotion. Forti Dor raconte l’histoire tragique d’un fils mort de ses mauvaises fréquentations tandis que Nlibra di Bo est une chanson de rupture. Mais aussi de chansons rythmées et festives notamment Bersu d’Oru qui a le potentiel pour donner envie de crier « Olélé » à un maximum de personnes.
Elida Almeida réussit un album palpitant de bout en bout. Il faut rendre également hommage aux musiciens (Hernani Almeida, Nelida da Cruz, Diego Gomes, Magik Santiago) qui contribuent à faire de Kebrada une œuvre intense.
Site Officiel / Kebrada / Facebook / Youtube