Par Ici Les Sorties – Vendredi 8 juin 2018
Par Ici Les Sorties : 8 juin 2018
8 juin 2018 : Flabbergastmusic vous donne la permission de minuit (The Midnight Hour) pour aller kiffer Kiefer ou mettre un(e) Bonet sur les oreilles (même en été).
Kiefer – Happysad [Stones Throw]
Le jeune pianiste et beatmaker signe avec Happysad son premier opus pour le prestigieux label Stones Throw, foyer de Jay Dee, Madlib ou découvreur de Aloe Blacc.
Il avait attiré tous les regards sur son premier album Kickinit Alone et les oreilles de votre serviteur (cf Best Of 1er semestre 2017) grâce à ce double effort de composition au piano et aux boites à rythmes (dès l’âge de 12 ans). Grâce à l’alliance entre sa formation à la section Jazz de UCLA (sous la houlette du guitariste Kenny Burell) et son appétence pour les beats, Kiefer amène le jazz vers de nouveaux horizons susceptibles d’attirer un jeune public biberonné aux beats de J Dilla ou les amateurs du travail de Robert Glasper. Comme il le déclare lui-même : « être musicien de jazz c’est avoir la responsabilité d’étudier et de comprendre son histoire (…) et dédier sa carrière à changer de manière positive la direction de la musique« .
Jazz et beats sont imbriqués, comme le sont les sentiments opposés du titre de l’album. Où comment être triste et joyeux à la fois, passer d’un état à un autre. C’est ce que le pianiste veut nous faire ressentir : AAAAA est bien à la frontière entre les deux : il ajoute des éléments qui égaye une base down-tempo et mélancolique.
Kadhja Bonet – Childqueen [Fat Possum Records]
Après l’homme orchestre, place à la femme orchestre. Kadhja Bonet est multi-instrumentiste sur ce second album Childqueen qui sort ce 8 juin 2018 sur le label Fat Possum Records. Par son background de musique classique, elle sait jouer du violon, de la flûte, de la guitare. Et ce n’est pas tout, pour ce disque c’est elle qui écrit, compose, produit et mixe.
Childqueen pourrait très bien faire partie de la mouvance de ce que l’on appelle la Folk funk : genre éphémère qui a émergé dans les années 60/70 et dont les porte-étendards ont été Roberta Flack, Jon Lucien ou bien encore Terry Callier. L’on pourrait résumer ce genre en une sorte de Folk teintée de Soul avec des lignes de basses travaillées. La référence à Roberta Flack est flagrante pour la pureté du chant même si elles ne situent pas dans la même tonalité.
Il en résulte un groove lancinant, avec l’ombre de Stevie Wonder qui plane sur l’album. Comme lui, elle joue quasiment de tous les instruments sur cette album (M.Wonder joue, par exemple, l’intégralité des instruments sur Leavin’ For The City, Higher Ground). Comme lui, elle insuffle une spiritualité matérialisée par des sons d’orgue électrique type Moog. Leurs musiques ont également un autre point commun : être minimaliste et détaillée à la fois. Cet album fourmille de sons éparpillés de-ci de-là : des oiseaux sur Childqueen, des bulles qui éclatent sur Another Time Lover. Dans Joy et Wings, la musicienne nous offre un panorama de cordes et de flûtes des plus saisissants.
L’artiste nous exhorte à renaître comme l’évoque la pochette de l’album ainsi que les premières lignes du premier titre Procession pour une autre vie, un autre lieu, un autre amour (Another Time Lover). Elle se réjouit de l’épanouissement des femmes dans Mother Maybe (voir vidéo ci-dessous) leur rappelant leur force, leur pouvoir, ce qu’elles accomplissent au quotidien et notamment les mères, toutes les mères : celles qu’elle voudrait être, pourrait être.
Mother I maybe
Or maybe not
But it all looks different
With all you’ve broughtA magic reverie
Discreet as you are
Oh, show me the power
Power, power
The Midnight Hour (Ali Shaheed Muhammad et Adrian Younge) – The Midnight Hour [Linear Labs]
Après l’homme orchestre, la femme orchestre…on termine avec le duo orchestre. Ali Shaeed Muhammad, le plus discret des membres de A Tribe Called Quest, ne quitte plus son nouveau compère Adrian Younge. Après avoir collaboré ensemble pour la musique de la série télévisée Luke Cage, ils signent The Midnight Hour dans les bacs ce 8 juin 2018 sur le label du second, Linear Labs.
The Midnight Hour regorge d’invités divers et variés. Il y a ceux qui se font rares comme Ladybug Mecca (sur le track Mare) membre du mythique Digable Planets (elle avait co-crée en 2016 le super groupe Brookzill instigateur d’une fusion réussie rythme brésilien/hip hop), Cee-Lo Green (sur Questions), Laetitia Sadier (Stereolab) sur le titre en français Dans Un Moment d’Errance (extrait que j’ai choisi ci-dessous). D’autres artistes sont plus prolifiques : le chanteur Bilal, le batteur Questlove de The Roots. Et pleins d’autres sont prêts à émerger dont Eryn Allen Kane qui clame avec ferveur que l’amour est gratuit (Love Is Free). Le célèbre chanteur Luther Vandross a même été ressuscité pour une version revitalisée de son So Amazing. Ensemble ils participent au festin soul/jazz/hip hop préparé méticuleusement par le duo.
A l’écoute de The Midnight Hour je repense aussitôt à un de mes albums 2017 préféré (voire le préféré) : celui de Sly5theave The Invisible Man : An Orchestral Tribute To Dr.Dre avec cette même intention de rendre hommage au hip hop à travers des création originales qui ont la couleur d’un sample, le traitement orchestral (le linear labs orchestra) en plus donnant une dimension grandiose aux titres (Better Endeavor, Smiling For Me) notamment par le superbe accompagnement harmonique des cordes. Mention spéciale également pour la basse qui plante admirablement le décor particulièrement sur Possibilities et Together Again.
Un trio du jour homogène avec des similitudes et des influences communes tout en proposant chacun un univers singulier. Plus syncopé côté Kiefer, plus mystique chez Kadjha Bonet et plus rétro pour The Midnight Hour.
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