Par ici les sorties musique – Septembre 2019

Moonchild – Little Ghost – 6 Septembre [Tru Thoughts]

Le trio Nu-Soul californien composé des musiciens compositeurs Amber Navran, Max Bryk, Andris Mattson revient après le très remarqué Voyager. Ils sont allés trouver l’inspiration sur la route (fuck Black M) et au lac Arrowhead qui semble être illustré sur la pochette de l’album de Little Ghost.

On assiste à une montée en puissance au fil des albums. Little Ghost est en effet au-dessus de Voyager en différents points. On note une efficacité de la programmation des boites à rythmes digne des beats hip hop à la sauce Jay Dee aka J Dilla. On entend ainsi des réminiscences des productions du beatmaker disparu pour Like Water For Chocolate du rappeur Common (sur Sweet Love ou Everything I Need entre autres).  Ce LP va envore plus loin dans la délicatesse des accords de piano (The Other Side), dans l’accompagnement bien senti des guitares. Ce nouvel opus a pris une orientation résolument plus ouverte apportant des touches acoustiques (Too Much To Ask, The Other Side) ou des nappes de cordes lui donnant toute la richesse. Les chorus de cuivres (Money) renvoient à ceux présents dans l’album de Common cité plus haut rendant indirectement hommage au trompettiste Roy Hargrove décédé l’an dernier.

Amber Navran embrasse les thématiques contemporaines autour de la condition féminine en 2019. Wise Women encourage les femmes qui ont tendance à se sous-estimer, particulièrement les femmes de couleur. Elles doivent prendre leur indépendance vis à vis des hommes, à résister à la pression de la société ou au poids des « a priori » (« go on and prove ’em wong now« ). La chanteuse les enjoint à franchir les barrières, essayer et essayer encore jusqu’ à obtenir ce qu’elles veulent (« wise women won’t wait for the now and then »).

Too Much Too Ask et même Money abordent le sujet des relations amoureuses déséquilibrées, lorsque l’un demande d’être autant aimé par l’autre. Dans Sweet Love la narratrice remercie en fin de compte (« as it turns out« ) son partenaire d’avoir rompu. Se sentant plus fort et libéré de cette union toxique. Puis elle trouve la force (Strength) de rebondir, refaire surface.

The Other Side est le summum de l’album dont l’introduction à la guitare (Andris Mattson) séduit par sa légèreté. Et constitue un parfait faire valoir du filet de voix d’Amber Navran. Cette voix si fluette, quasi-enfantine de l’artiste musicienne qui intrigue et qui est épaulé par le piano aérien de Andris Mattson.

Little Ghost comporte également une belle palette de sonorités des claviers : piano, synthé, Fender Rhodes, wurlitzer à la fois omniprésents et discrets. Et aussi incroyable que cela puisse paraître, mis à part les cordes interprétées par un quartet, tous les instruments sont joués par les trois membres de Moonchild. Si l’on voulait être exigeant, on aurait réclamer un ou deux invités pour répondre à la voix de la chanteuse par exemple un ou une rappeuse (Noname pour ne citer qu’elle) et pourquoi pas un duo avec mon chouchou Tom Misch qui collerait parfaitement à cet univers. Je suggère l’idée pour le prochain album.

Bref, pour paraphraser le groupe sur Onto Me:

bump some (Moonchild)

and break out the champagne

skip the bullshit in between

don’t miss the chance

… to enjoy the overwhelming music of Moonchild.

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Tinariwen – Amadjar – 6 septembre [ANTI-/PIAS]

Amadjar, neuvième album du groupe Tinariwen a été pensé sur la route vers la Mauritanie en passant par le Sahara occidental. Durant les 12 jours du voyage, les membres du groupe vont travailler à la belle étoile. Y a-t-il un endroit plus inspirant ? Que le ciel azuré tacheté de ses millions de points? Et c’est lors du dernier campement dans le désert autour de Nouakchott que l’enregistrement live a lieu. L’équipe française de production a aménagé un camping-car en studio d’enregistrement.

Les guitaristes Cass McCombs, Stephen O’Malley ou encore Rodolphe Burger (Kat Onoma) et le musicien/compositeur Warren Ellis les ont rejoint sous la tente. Ce dernier est membre du groupe Nick Cave And The Bad Seeds. C’est aux deux hommes que l’on doit de somptueuses musiques de films tels que La Proposition, récompensés par plusieurs prix, ou L’Assassinat De Jesse James Par Le Lâche Robert Ford. Il a obtenu en solo le césar de la meilleur musique de film en 2015 pour le très beau Mustang de Deniz Gamze Ergüven. Tous sont mis à contribution pour établir la passerelle entre le blues occidental et le blues touareg.

Ardin, Charango l’émerveillement n’est pas que sonore mais c’est un éveil de tous les sens. C’est tout une imagerie qui se met en place à l’écoute de Tinariwen. Le sable qui brûle la plante des pieds, le corps qui ne résiste pas au rythme de la derbouka… un paysage de dune à perte de vue, les caravanes de dromadaires et les rayons du soleil aveuglant… On devient alors victime de cette soif que l’on ne peut étancher, qui ravine la gorge, qui entraîne des hallucinations (Tenere Maloulat) ainsi qu’une tombée en abysse par la seule pensée de la femme objet de ses rêves (Mhadjar Yassouf Idjan).

Des petites interludes de dialogues (Anina) jalonnent Amadjar et sont de véritables bouts de vie du groupe. Groupe qui est tourmenté par l’évolution des relations humaines. Il appelle au rapprochement et à l’unité des peuples du sahara (Takount). Tout en déplorant la perte de l’hospitalité dont témoigne Abdallah Ag Alhousseyni sur le morceau Madjam Mahilkamen : « ces dernières années,  je voyage sans ma selle, et plus personne ne m’offre un repas ». Et ce sentiment de déorientation généralisé, que le monde tourne à l’envers. Une image utilisée sur le titre Taqkal Tahra résume si bien ce sentiment : le troupeau est gardé par les chacals. Ainsi les langues de vipère divisent et répandent vice et haine entre les hommes (Kel Tinawen, Itous Ohar).

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Les Soeurs Boulay  – La Mort Des Etoiles – 6 septembre  [Grosse Boîte]

2 ans de pause pour Mélanie et Stéphanie Boulay. Le temps pour la première de mettre au monde Léonard (à qui elle a dédié une chanson sur ce nouvel album) et pour Stéphanie d’exprimer son talent en dehors du duo. Elle a ainsi sorti un album solo l’an dernier et écrit deux livres jeunesse.

Mais le désir de retravailler ensemble et de retrouver le public ont naturellement poussé les deux sœurs à faire de nouveau équipe. Avec cette fois-ci un visuel, un concept en tête avant même d’avoir écrit les chansons. C’est également l’anxiété face aux bouleversements du monde qui les a poussé à s’exprimer via la musique. Dans ces circonstances, il paraissait logique que les deux artistes aient l’envie d’appréhender ce troisième album comme l’ultime et ainsi oser explorer des contrées musicales inconnues.

La limpide harmonie vocale des deux artistes nous invite à lever les yeux au ciel et contempler le ballet des perséides. On scrute l’horizon et on cherche les constellations d’Orion, Cassiopée ou Andromède. Et l’on finit par se dire que l’on est qu’un grain de sable comparé à l’immensité de l’univers. On finit par extrapoler sur les questionnements sur notre propre existence. La Mort Des Etoiles c’est ce constat abrupt de la désillusion. La fin du rêve. On s’accroche tant que l’on peut à ce qui est beau en sachant pertinemment que ça va disparaître. Et après quoi? s’interrogent les deux chanteuses dans Nous Après Nous, que nous réserve le futur? Quel avenir pour nos enfants?

Si beau le monde
À la fin qui s’y attardera
Et si tout tombe
Qui d’autre se relèvera
Pour regarder les étoiles

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Brittany Howard – Jaime – 20 septembre [ATO]

La leader du groupe Alabama Shakes dont le Sound & Color reste une des plus belles surprises de l’année 2015 sort son premier album solo intitulé Jaime. Année charnière pour l’artiste puisqu’elle a exploré ses instincts rock and roll avec sa formation rock garage Thunderbitch. Puis elle a aussi lancé un trio féminin avec Jesse Lafser, Becca Mancari dénommé Bermuda Triangle. Un trio country/folk qui se voulait éphémère, malheureusement, le temps de quelques lives et l’enregistrement de trois titres dont Rosey qui apparait sur l’album de Jesse Lafser, Raised On The Plains de 2015.

Brittany Howard est donc bourré d’idées et de projets laissant entrevoir les multiples facettes de sa personnalité. C’est un tempérament de feu, une boule d’énergie enveloppée dans un écrin doré. Qui part un peu dans tous les sens certes mais auquel on adhère totalement tant elle suscite notre curiosité. Un talent que l’on suit les yeux fermés quitte à être parfois dérouté mais on est attiré irrésistiblement par le brin de folie qui l’anime.

 Jaime fait ressortir ses penchants Soul et marque le retour pour Brittanny Howard d’un son plus proche d’Alabama Shakes avec cette même sensation à l’écoute des premiers singles d’un côté « feel good music » sans tomber dans le hit insipide. C’est peut-être ce qui lui sied le mieux, ce qui sied le mieux à sa voix. Stay High contient ainsi tous les ingrédients d’un track fédérateur : une cadence soutenue, un refrain efficace et la voix de la chanteuse qui prend toute sa place. Une voix androgyne dont les capacités à se métamorphoser captive et fascine tout à la foi.

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