Par ici les sorties musique du 9 novembre 2018
Sorties musique du 9 novembre 2018
3 nuances de gris : Charles Bradley, Masta Ace & Marco Polo, David Marin.
Masta Ace & Marco Polo – A Breukelen Story [Fat Beat Records]
A Breukelen Story c’est l’association explosive entre un MC expérimenté et respecté, Masta Ace et un beatmaker acéré, Marco Polo. 11 ans après leur premier partenariat sur le titre Nostalgia sur l’album de ce dernier, Port Authority, ils ont décidé de collaborer sur LP complet. Marco Polo passe donc d’un tandem avec un jeune loup A-F-R-O (A-F-R-O POLO sorti en 2016) à un duo avec un mastodonte de la scène rap ayant 30 de carrière et 7 albums solos.
Masta Ace a été lancé dans le bain du hip hop par Marley Marl, pierre angulaire de la métamorphose du genre à la fin des années 90. Ce dernier a révolutionné l’art du sampling en parvenant à isoler des éléments de batterie et ainsi pouvoir recréer une nouvelle rythmique (cf. le morceau The Bridge. A lire : Sample! Aux origines du son Hip Hop de Brice Miclet). Bref, il a participé, en 1988, au mythique album In Control vol.1 dudit producteur, rampe de lancement des artistes tels que Heavy D (r.i.p), Big Daddy Kane, Kool G Rap. Malgré cette longévité, il veut asseoir sa réputation de raconteur.
Raconter son quartier, Brooklyn (qui vient du nom d’un village hollandais appelé Breukelen) l’un des « 5 boroughs » de New York d’une manière positive, révéler toute sa beauté. Pour lui, il y fait bon vivre, ensemble. Brooklyn a vu naître ou éclore un bon nombre de rappeurs.rappeuse talentueux(euses). Biggie, Gang Starr, Sean Price sont ceux qu’ils citent dans ce premier single ci-dessous Breukelen « Brooklyn » avec Smif ‘N’ Wessun.
Les interludes racontent les circonstances de l’arrivée de Marco Polo à Brooklyn. Le producteur canadien est le producteur que tout le monde s’arrache, le genre de beatmaker avec qui toute la scène hip hop voudrait travailler comme en atteste ses opus précédents Port Authority 1 et 2, Newport Authority. Il créée des beats incomparablement efficaces : des boucles de batteries tranchantes comme un katana, un sens du détail (des scratchs assassins, des beats ou extraits de dialogues introductifs et outroductifs…), des samples de cuivres, pianos qui se répondent créant une dynamique saisissante.
Les pointures du rap n’ont pas hésité à l’appel de deux hommes : Elzhi, Styles P., Lil Fame, Pharoah Monch (ces deux derniers viennent récemment de commettre un titre dynamite !)
Monter le volume et les basses, échauffez-vous la tête et le cou et régalez vos esgourdes avec A Breukelen Story.
Charles Bradley – Black Velvet [Daptone Records]
Il aurait fêter ses 70 ans ce 5 novembre mais un putain de cancer en a décidé autrement. Charles Bradley, celui que l’on surnomme The Screaming Eagle Of Soul s’est éteint le 23 septembre 2017 d’un cancer de l’estomac. Celui qui a fait ses débuts à 62 ans nous a laissé orphelin de sa voix puissante et de sa soul brut. Cet album posthume, Black Velvet, sort ce 9 novembre 2018 chez Daptone Records. Il est accompagné, comme à l’accoutumé, par le groupe phare de l’écurie, The Menahan Street Band. On aperçoit l’étendu de leur talent sur l’instrumental Black Velvet en signant la patte de la soul propre à Charles Bradley : du velours noir. Une section de cuivre qui fait office de chœur, deux guitares, une douce avec un léger écho et une plus âpre.
Black Velvet contient 3 reprises de Nirvana, Neil Young et Sixto Rodriguez. Il restitue avec toute la vergogne qui le caractérise I’ll Slip Away de Sixto Rodriguez et interprète, bien aidé par les cuivres plein d’allant, de manière passionnée le Heart Of Gold de Neil Young, recherche de l’amour parfait. Le choix du Stay Away de Nirvana est plus inattendue. Au départ ce titre est un manifeste contre le conformisme imposé par la société, le soul man l’a adapté les paroles pour donner un autre sens centré sur l’amour. Il a rayé la phrase provocante figurant à la toute fin du titre original « God Is Gay » qui, il est vrai, sorti du contexte (il semble que Kurt Cobain ait voulu choquer afin de repousser les homophobes dans leur retranchement) n’avait plus de sens.
De l’attente à l’exaltation, de la lascivité (Luv Jones) à la lassitude (Slip Away), de l’attraction réciproque irrésistible (Can’t Stop The Feeling) au rejet (I Feel A Change, Stay Away), Charles Bradley incarne comme nul autre la contradiction du jeu amoureux.
David Marin – Hélas Vegas [Simone Records]
David Marin se fait rare sur la scène folk/country/blues québécoise puisque Hélas Vegas n’est que son troisième LP en dix ans. Il faut plusieurs écoutes pour véritablement s’imprégner de l’univers de l’artiste, de son écriture.
Puis on se laisse bercer par les piano/voix (L’Air Lourd, La Rue De La Grève) et on finit par apprivoiser sa poésie. David Marin aime les décalages dans les mots, contourner les expressions pour mieux nous dérouter (« tenter ma chance dans le concours de circonstance » – Dernier Mot. « regarder des yeux l’œil de la tempête » – La Rue De La Grève)
De la chaleur et le confort intérieur d’un couple (Hélas Vegas) au roadtrip rythmé utilisant la sémantique du déplacement pour illustrer la confusion des sentiments, un questionnement sur le sens à donner nos vies (Fausse Route). De la nostalgie des années 1990 (tiens encore eux)(1900) à l’atmosphère sombre et angoissante de La Machine (des murmures en écho, des synthés bourdonnants), ce Héla Vegas regorge de morceaux bigarrés à l’intensité progressive et finissant souvent en apothéose (1900, L’Air Lourd, La Machine).