Be Kind Rewind – Best of 1er semestre 2019
Fin du 1er semestre, retour sur les pépites musicales de ces 6 premiers mois écoulés. Mon top 2, 3 révélations féminines et une playlist de mes coups de coeurs. Vous êtes gâté(e)s.
Best of 2019 – 1er semestre – Top 2
Not Waving, But Drowning de Loyle Carner
Le titre du deuxième album du rappeur anglais est emprunté à un poème de Stevie Smith, poétesse anglaise du siècle dernier. C’est elle que l’on entend expliquer son poème sur le titre éponyme : elle extrapole cette image au comportement humain. Sur la pochette du disque nous apercevons les mains d’un homme dans l’eau. Si l’on ne prête pas assez attention, on pense à tort qu’il nous salue mais de la perspective de l’homme, c’est un appel à l’aide parce qu’il est en train de se noyer. La poétesse anglaise a tenté de suicider peu de temps avoir écrit ce poème.
On a tous croisé dans notre entourage, une personne qui donne une image joviale ou sûre d’elle mais qui en fait meurt à petit feu. Aveuglés par notre égoïsme nous n’avons pas su ou vu les signes d’un mal être profond. Du point de vue de Loyle Carner, cette phrase s’est transformée en un questionnement. Son grand-père lui a transmis un recueil de ses propres poèmes, et dans un de ceux là il se demande : am I waving or am I drowning?
C’est la clé de la compréhension du second album de Loyle Carner qui prend une toute autre signification. Il invite chacun à changer d’angle de vue. D’aller au delà de l’apparence et nous forcer à toujours nous remettre en question.
Bien qu’imprégnés d’une humeur propre, les duos avec Jorja Smith (Loose Ends, 1er track de la playlist), Jordan Rakei (Ottolenghi) ou Tom Misch (Angel ci-dessous) sont tous magiques. Chacun apportant tout leur talent au service de Loyle Carner : de la grâce pour la première, une atmosphère planant pour le deuxième et un groove suave pour le dernier.
Mais la meilleure invitée de l’album c’est Jean Coyle-Larner, sa mère qui livre un texte d’amour poignant d’une mère à son fils. Dans lequel beaucoup de mères se reconnaitront je pense. Elle témoigne la façon dont elle a accompagné sa transformation de garçon à homme. De leur moment de complicité malgré le trouble de déficit de l’attention dits TDAH dont a souffert le rappeur.
De la solidité de leur relation renforcée par la mort du beau-père de Loyle Carner.
And with our compass lost, we talked long into the darkest hours
Until we saw the burnished sky, and our eyes stung as our words blurred and became thoughts
Ils ont savouré ensemble sa réussite.
Like buccaneers, we sailed the seven seas and drank in the wonders of your world, and returned giddy with the heady smell of your success
La force de leur amour grandit à chaque instant.
Because love does not lessen by miles it’s not locked out by doors or walls, but reinforced in thought and heart
It cannot be lost like a key or a sock, or left behind in a box, it is present in each and every breath and flows deep with every beat and deed
Titanic Rising de Weyes Blood
Cette plongée dans Titanic Rising est un émerveillement de tous les instants. Emportés par la voix envoûtante de Natalie Mering, les synthés mystiques (Andromeda, Movies) on chavire de bonheur presque prêt à accepter l’effondrement lent de notre civilisation.
Car Titanic Rising est un hymne à la déchéance de notre monde. C’est avec une certaine fatalité et même un soulagement que l’on s’abandonne à notre sort avec cet album en bande son (A Lot’s Gonna Change, Wild Time).
Opus avec lequel Weyes Blood nous prend par la main pour nous emmener au tréfond de l’âme humaine. Dans ses félûres (Picture Me Better, lettre à un ami de la chanteuse qui s’est suicidé), ses doutes (Something To Believe), la quête d’une relation à deux réussi (Andromeda, Mirror Forever).
Retrouvez la sélection des sorties musique d’avril ici.
Révélations Féminines du 1er semestre 2019
Lou-Adriane Cassidy – C’est La Fin Du Monde A Tous Les Jours
En premier lieu, Lou-Adriane Cassidy c’est une voix chaude qui attire l’oreille. Elle a de plus bénéficié pour son 1er album d’une production très soignée avec une belle variation dans les rythmes et dans la construction des morceaux. Que ce soit les cordes qui viennent soutenir les refrains (Poussière), accentuer l’intensité d’un pont ou d’un final (Respiration ou Les Amours Immatures) ou la polyvalence des guitares.
Le changement des cadences sur C’est la fin du monde à tous les jours est le reflet des atermoiements de l’auteure-compositrice. Il Pleut démarre down tempo au piano puis à la guitare sèche pour finir par des envolées. Inversement après un départ sur les chapeaux de roues, Respiration finit en douceur renforçant le dernier couplet. Ça va, Ça va ne contient quasiment pas de batterie tandis que la binarité de Les Amours Immatures illustre la dichotomie Femmes/Hommes contenu dans le texte. Les battements tambourinant dans Ce Qu’il Reste annoncent le suicide d’un homme désespéré.
Eloise – This Thing Called Living
4 titres suffisent pour tomber sous le charme de la voix d’Eloise. On adore ce timbre à la Lianne La Havas. Elle cultive avec cette dernière une maitrise du vibrato le rendant ainsi aérien et captivant.
On fond littéralement lorsqu’elle délivre ce refrain de You, Dear porté par le vibrato tout en légèrete sur le Here final de la 2ème rime et les hmm qui donnent un goût exquis au texte relatif à l’obsession.
Puis l’anglaise passe à une voix plus rauque sur TTCL (=This Thing Called Living) apportant toute la mélancolie au titre où la chanteuse se lamente d’avoir perdu le gôut de vivre après la séparation mettant en valeur ses passages réussis en voix de tête qui viennent notamment isoler les For Me qui clôturent le morceau et qui marquent un peu plus encore sa solitude.
La rythme imposé par le phrasé de Subside apporte une forte sensualité au morceau.
En fait non, ce premier E.P 4 titres ne suffisent pas à étancher notre soif. On en veut plus, on veut un album entier de ces douceurs et même plusieurs.
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Stella Donnelly – Beware Of Dogs
Un titre saugrenu (Thrush Metal : métal mycosé), une pochette dénuée de toute esthétisme, l’australienne ne pensait vraiment pas percer avec ce premier E.P dont elle avait, au départ, fait seulement 30 copies. E.P qu’elle a enregistrée toute seule avec une guitare bon marché. Pourtant, elle se retrouve propulsée, deux ans après, sur la scène du Sydney Opera House.
Il y a énormément de fraicheur dans le style de Stella Donnelly. Et il se dégage en elle une énergie débordante susceptible de soulever des montagnes.
Attention chien méchant prévient-elle. C’est une artiste qui a du mordant et sous ses airs innocents se cachent en fait un tempérament de feu. Elle ne manque pas d’écorcher, avec un humour grinçant, les hommes pas très fréquentables qu’elle a pu croisé : par exemple son ancien boss dans le temps où elle travaillait dans un pub dans U Owe Me.
Dans Boys Will Be Boys elle dénonce le sempiternel discours de la culpabilisation de la femme victime d’agression sexuelle : « c’est de sa faute si elle s’est fait agressée », « elle portait une jupe trop courte », « que faisait-elle dehors toute seule en pleine nuit? ». On dédouane l’agresseur en rétorquant de manière faussement innocente : » les garçons sont ce qu’ils sont ». Non. C’est aux parents de faire évoluer les mentalités et d’éduquer les garçons et leur inculquer le respect de la femme, de son corps et de sa liberté. Liberté qu’elle croque à pleine dent dans le très feel good Tricks qui est pourtant un tacle des fans ou des personnes en général qui ont la mauvaise manie de vouloir la façonner à leur guise.
Elle nous délivre sa vision truculente d’une femme d’aujourd’hui entourée souvent d’hommes maladroits, lourds voire abjects.
Avec sa plume piquante, son charmant vibrato naturelle et sa désinvolture, Stella Donnelly et ce Beware Of Dogs s’impose comme une artiste attachante, drôle et intéressante.
Si vous avez 35mn devant vous, ne manquez pas la vidéo ci-dessous où l’artiste démontre l’étendue de son sens de l’humour ravageur.